Sauf précision, tous les passages tirés des Saintes Écritures sont extraits de la Version Ostervald révisée édition de 1996.
[NOTE: Il est important d'examiner Colossiens 2:16-17 dans son contexte. Ceci inclut non seulement les versets environnants du second chapitre de cette épître, mais également l'épître dans son ensemble.]
Colossiens 2:16-17 provoque bien plus de controverses et d'incompréhension qu'il ne le devrait. Voici ce qui y affirme Paul au verset 16 : « Que personne donc ne vous condamne au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d'un jour de fête, ou de nouvelle lune, ou de sabbats ». Le verbe « condamner » est traduit du verbe grec krino, qui signifie décréter, juger, régenter, gouverner ou prononcer un jugement. La version Darby offre la traduction suivante: « Que personne donc ne vous juge ». Le verset 18 commence ainsi: « Que personne ne vous ravisse le prix ».
Avant que nous n’identifiions la question et le problème que l'on retrouve aux versets 16 et 17, prenons d'abord note des versets 20 et 21. Ces deux derniers nous aiderons en effet à clarifier les versets qui nous concernent. Aux versets 20 et 21, les Colossiens sont mis en garde contre des réglementations leur imposant de ne pas manger, de ne pas goûter et ne pas toucher. Ces réglementations sont en effet des préceptes humains ayant une « apparence de sagesse » en termes de pratiques ascétiques (« humilité » et « austérité du corps »), mais qui en réalité « n'ont aucune valeur pour l'insolence de la chair » (verset 23, Bible de Jérusalem). Ces réglementations, par lesquels Paul recommande les Colossiens de laisser nul ne les juger, ne trouvent pas leur origine dans les commandements de Dieu tels qu'ils sont énoncés dans les Écritures. Il représente plutôt une distorsion humaine des commandements divins, certainement le résultat d'un mélange de judaïsme et d’éléments propre aux développements gnostiques du premier siècle.
Comme l'affirme Edward Loshe dans son commentaire sur Colossiens et Philémon:
« Néanmoins, dans le contexte de Colossiens, le commandement de célébrer les fêtes hébraïques, la nouvelle lune et le sabbat n'est pas basé sur la Torah, par laquelle Israël a reçu le sabbat comme signe de son élection parmi les nations. Il s'agit plutôt de jours sacrés qui doivent être célébré en l’honneur des « éléments du monde (2:8, version Martin 1744) » dirigeant la course des étoiles et demandant donc l'observance minutieuse d'un calendrier bien précis. »
Attardons-nous maintenant sur le verset 16: Il y a trois manières dont y est généralement expliqué le « sujet du manger ou du boire ». Il est estimé qu'il peut s'agir dans ce verset: 1) d’offrandes d'aliments et de boissons; 2) des lois alimentaires sur le pur et l'impur; 3) de pratiques ascétiques d'inspiration gnostique. C'est à ces dernières que s'intéresse Paul.
Reformulons le problème tel qu’il se trouve au verset 16. Les fidèles en Christ ne devraient pas permettre qu’on leur dicte des règles mesquines concernant leur façon de s'alimenter et d'adorer Dieu. Les pratiques ascétiques, telles qu'elles étaient pratiqués par les esséniens, sont celles auxquelles s’intéresse Paul. Il s’agissait de pratiques ascétiques de renoncement à soi, comme l'abstinence d'aliments et de boissons en certains jours, lors de jours de fête du calendrier hébreux, lors de nouvelles lunes, ou encore lors de sabbats hebdomadaires.
Ce ne sont pas les aliments et les boissons sacrificiels qui sont la préoccupation de ce passage. L'idée d'offrande ou de sacrifice n'apparaît nulle part dans le texte. Le mot grec pour aliment y est en fait brosis. Le terme brosis a trait à l'alimentation en général. Il s'agit du même terme utilisé en Matthieu 6:19-20 et traduit alors par « rouille ». Il désigne l'action de manger en général, ayant même le sens élargi de « corrosion ». Le problème est bien ici l'idée de se nourrir en contraste à la pratique du jeûne comme forme de renoncement à soi.
Certains ne partageront probablement pas cette opinion, objectant qu'il s'agit plus probablement d'aliments et de boissons offertes lors des jours de fêtes également mentionnés au verset 16. Le texte ne nous permet cependant pas ce genre d'interprétation, puisque les termes utilisés sont littéralement ceux du « manger ou du boire, OU au sujet des jours de fêtes. » Encore une fois, remarquons bien que le terme « d'offrande » n'apparaît pas, alors que Paul aurait pu facilement l'utiliser, et l'aurait certainement utilisé, si cela avait été son intention. Les offrandes d'aliments et de boissons ne sont pas une forme de manger ou de boire, mais des formes de sacrifice. Les offrandes d'aliments sont par ailleurs des offrandes à base de graines (voir Lévitique chapitre 2), et non pas des sacrifices d'animaux.
Il est également tout à fait improbable que les aliments et les boissons dont il est fait mention dans ce passage aient quoique ce soit à voir avec les viandes pures et impures, ne serait-ce qu'à cause de l'idée « du boire ». Quelles restrictions alimentaires existe-t-il dans la Torah concernant les boissons? La réponse est évidemment aucune.
Sur la base de la plénitude du Christ ayant effacé l'acte rapportant les péchés des croyants (« cédule de notre dette », verset 14. Bible de Jérusalem), Paul affirme que les croyants en Christ ne devraient pas se soumettre aux condamnations de ceux voulant les obliger à des pratiques ascétiques concernant le manger ou le boire, ou en lien avec l'observance rituel de fêtes, de nouvelles lunes ou de sabbats hebdomadaires.
Comment pouvons-nous être certains que c’est bien ce problème auquel fait référence Paul au verset 16? Tout d'abord, la question qui intéresse Paul n'a rien à voir avec les jours observés, mais plutôt avec la manière dont ils le sont. Une fois encore, ce qui préoccupe Paul est ici les pratiques ascétiques et les observances rituelles, distorsions des enseignements apostoliques. Paul affirme aux Colossiens qu’ en adoptant comme essentielles les pratiques rituelles ou ascétiques que certains voudraient leur imposer, les croyants de Colosse témoignerait n’avoir rien compris de la réalité qui en Christ, réalité les libérant de la nécessité à avoir à accomplir des œuvres humaines afin d'accéder à la vie éternelle (voir Colossiens 2:8-10).
Si nous comprenons que le problème n'est pas ici l’observance de certains jours, mais la manière et la raison pour laquelle ces jours sont observés, alors cela n'a aucune importance que soit mentionné dans ce passage les sabbats hebdomadaires, comme c’est effectivement le cas. [Le terme « sabbats » ne fait pas référence aux jours de sabbat annuellement célébrer dans le cadre de la loi lévitique. En effet, l'ordre dans lequel il est parlé de « jour de fête, ou de nouvelle lune, ou de sabbats » indique qu'il s'agit des observances annuelles, mensuelles et hebdomadaires, et donc des sabbats hebdomadaires (voir Osée 2:11 et Ézéchiel 45:17). De plus, l'usage par Paul du terme « jour de fête » désigne également les sabbats annuels. Si l’expression « ou de sabbats » devait faire référence aux sabbats annuels, ce serait une répétition inutile.]
Qu'en est-il maintenant du verset 17? Ne s'agit-il pas d'une affirmation invalidant la pratique de tous ces jours quel qu’ils soient, puisqu'il est écrit qu’ils étaient « l'ombre des choses qui devaient venir » ? Il s'agit d'une bonne remarque. Nous devons en effet comprendre de quoi parle le verset 17. « L’ombre des choses qui devaient venir » est en contraste absolu avec le « corps » ou « réalité » qui se trouve en Christ. Le mot grec traduit ici par « ombre » est skia, qui est l'opposé de « corps » (soma en grec). L'ombre désigne une « silhouette sombre, plus ou moins déformée, que projette sur une surface un corps qui intercepte la lumière » (Larousse).
Maintenant que nous avons défini ce qu'est une ombre, regardons ce que Paul déclare être un ombre ou une silhouette. De nouveau, il nous faut nous concentrer sur le problème ici discuté, celui des fausses pratiques imposées aux Colossiens au sujet des fêtes, des nouvelles lunes et des jours de sabbat. Ces jours en eux-mêmes ne représenteraient rien s'il n'avait été choisi par Dieu à des fins particulières. Il ne serait alors que des jours parmi d’autres, comme il y en a durant la semaine, durant le mois ou durant l'année. Les évènements accompagnant ces jours et leur observance les rendent particuliers et les distinguent des autres jours du calendrier.
Ainsi, les pratiques ascétiques de renoncement à soi que certains tentaient d'imposer aux Colossiens afin de d’être justifié aux yeux de Dieu, ne pouvait se comparer à la réalité se trouvant en Christ. Ces pratiques ne pouvaient être au mieux qu'une ombre ou qu’une silhouette de la réalité de la vie en Christ.
En conséquence, la PRATIQUE superstitieuse de ces règlementations (renoncement à soi, etc.) ne pouvait pas rapprocher les Colossiens de Dieu. Paul affirme que ces pratiques ne sont d'aucune valeur pour ce qui est du salut ou du mérite. La réalité est que le salut s'obtient au travers du Christ; l'observance de jours (ou de rites quelconques) ne peut donc nous rapprocher davantage de Dieu. Le sens de ces jours ne se révèle que par la reconnaissance du Christ comme seule voie d'accès à une vie juste. Paul critique toutes pratiques pour lesquels les œuvres seraient une manière d'être justifié. La justification s’obtient seulement par la foi en Christ. Il s’agit de l'un des grands principes de l'Évangile.
Comment cette interprétation de Colossiens 2 :16-17 affecte-t-elle notre pratique du sabbat aujourd'hui? Lorsque nous comprenons que Paul adresse le problème de perversions gnostiques de l'Evangile en lien avec des jours réservés au « culte des anges » (verset 18), nous constatons que la question de savoir si les chrétiens devraient ou non gardé le sabbat n'est même pas discuté dans ce passage. Le problème n'est pas de savoir si ces jours devraient ou non être observés, mais plutôt la façon et la raison pour lesquels ses jours étaient observés. La validité de l'observance du sabbat se décide à partir d'autres textes. Colossiens 2:16 n'est pas en lui-même un facteur déterminant.
La condamnation par Paul d'opinions hérétiques concernant le sabbat, n'est pas une condamnation en soit de l’observance du sabbat, pas plus que la condamnation d'opinions hérétiques concernant le manger et le boire ne condamne tous les aliments, toutes les boissons ou ne condamne la pratique du jeûne en général. C'est seulement lorsque l'observance du sabbat est lié à des règlementations humaines en termes d'ascétisme, de culte des anges, de justification par les œuvres, ou de distorsion du judaïsme qu'elle devient inacceptable.