Sauf précision, tous les passages tirés des Saintes Écritures sont extraits de la Version Ostervald révisée édition de 1996.
La ponctuation pourrait être considérée comme un détail, une subtilité. Mais parfois elle fait un clin d’œil à des questions essentielles: être ou ne pas être... Dieu.
Nous avons plusieurs fois souligné l’absence de ponctuation dans les textes grecs anciens qui sont la source de notre connaissance du Nouveau Testament. Et même l’absence d’espace entre les mots. Si vous voulez avoir une idée de la difficulté à déchiffrer un texte sans espaces, allez donc voir la Déclaration des droits de l’homme inscrite sur le quai du métro Concorde, à Paris. La plupart du temps, la ponctuation, mise ultérieurement sur les textes grecs, ne pose pas de problème. Dans certaines phrases cependant, plusieurs sens sont possibles, suivant l’usage qui en est fait. Et les choix effectués peuvent être discutés, surtout s’ils résultent d’une précompréhension du sujet traité, extérieure au texte. Rappelons que cette ponctuation, apparue progressivement au haut Moyen-âge, n’a fait l’objet d’une utilisation systématique qu’avec l’apparition de l’imprimerie.
Nous allons considérer l’exemple de Romains 9 : 5 dans lequel c’est la divinité de Jésus qui est en cause. Dans ce passage, l’apôtre s’attriste de la situation des Israelites a qui appartiennent les alliances, la loi, le culte et les pères, mats qui ont rejeté le Christ. Voici la phrase, sans ponctuation:
« […] Qui sont Israélites […] de qui est sorti selon la chair Christ qui est Dieu au-dessus de toutes choses béni éternellement »
Nous pouvons séparer les trois parties de phrase par des virgules:
« […] Qui sont Israélites, […] de qui est sorti selon la chair, Christ, qui est Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement. »
Nous pouvons aussi mettre un point:
« […] Qui sont Israélites, […] de qui est sorti selon la chair, Christ. Que celui qui est Dieu au-dessus de toutes choses soit béni éternellement. »
On notera que le changement de ponctuation conduit à modifier aussi la tournure de la traduction.
Dans le premier cas, Jésus est Dieu. Dans le second, la question est ailleurs. Il ne s’agit donc pas d’un simple détail. La plupart des traducteurs, plutôt acquis à la théologie trinitaire, ont opté pour la première version. Quelques autres cependant ont opte pour la seconde Stapfer (Société biblique, 1911), Goguel (Payot 1929), Depussé et Gignac (Bayard, 2000), Oltramare (Gallimard 2001).
Que voulait dire Paul? L’objet de son discours est ailleurs. Mais peut-on imaginer qu’incidemment, il considère comme allant de soi que Jésus soit également Dieu ? Les traducteurs ne répondent pas de la même façon. Nous pouvons cependant observer que, nulle part ailleurs dans les lettres authentiques de l’apôtre, Jésus n’est considéré comme Dieu. Rappelons-nous par exemple la fameuse tirade de 1 Corinthiens 11 :3.
« Mais je veux que vous sachiez que Christ est le Chef de tout homme, et que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ. »
À la rigueur peut-on trouver une forme d’exception en Philippiens 2 :6 qui précise que Jésus est en forme de Dieu. Ici d’ailleurs, Stapfer se distingue encore en traduisant: « Il était revêtu des caractères de Dieu ».
II serait donc assez étonnant que cette phrase de la lettre aux Romains soit la seule de toutes les épîtres de Paul qui veuille signifier, même incidemment, que Jésus soit Dieu. Plus vraisemblablement, Paul utilise ici, comme à d’autres endroits, une bénédiction finale adressée à Dieu.
Quoi qu’il en soit, il serait imprudent de s’appuyer sur cette phrase pour en déduire une théologie de Paul concernant la divinité de Jésus.
« À eux les pères, d’eux est issu le Christ, par la chair. Que celui qui est au-dessus de tous, Dieu, soit béni à travers les âges, amen. » (Romains 9 :5, La Bible – Nouvelle Traduction, Bayard Presse, 2001)