Sauf précision, tous les passages tirés des Saintes Écritures sont extraits de la Version Ostervald révisée édition de 1996.
En Romains 14:14, Paul a-t-il affirmé que les règles diététiques bibliques étaient révoquées lorsqu'il a écrit : « Il n'y a rien de souillé en soi »? En contradiction avec des chapitres entiers des Écritures, enseigne-t-il que l'on peut manger ce qui nous plaît et ignorer les règles diététiques bibliques? Après tout, Paul est convaincu qu' « il n'y a rien de souillé en soi », et ceci à moins qu'une personne n'estime que ce soit souillé.
Qu’en serait-il donc si nous devions appliquer cette logique à d'autres commandements de Dieu? Supposons que nous affirmions que « rien n'est idolâtre en soi à moins que nous pensions que ce soit idolâtre », ou, « ce n'est pas de l'adultère à moins que vous pensiez que ce soit de l'adultère » ou « ce n'est pas un meurtre à moins que vous pensiez que ce soit un meurtre ». Ce sont des exemples de toute évidence ridicules. L'idée étant que pas un seul individu - et ceci inclut Paul - ne peut soudainement décider d'annuler ou de changer des commandements bibliques. Paul n'est pas partisan d'une morale subjective. Ainsi, comment peut-il dire qu'« il n'y a rien de souillé en soi »? La réponse à cette question nécessite que l'on s'interroge sur les lois et les scrupules moraux qui sont ceux de l'histoire fascinante du judaïsme du premier siècle.
Réprimande à l'encontre de Pierre
En examinant la vision de Pierre et de la nappe, en Actes 10, nous apprenons que l'une des mesures de rigueur du judaïsme du premier siècle, consistait en l'interdiction de manger avec des Gentils, que ce soit dans leur maisons ou bien de la nourriture que ceux-ci aurait préparé. Lors d'une étude précédente sur ce sujet, nous avons constaté qu’il n’existe dans la Torah nulle loi qui interdirait à des Juifs de se mêler à des Gentils ou de manger avec des Gentils. Bien qu'il existe des règles interdisant de manger des viandes sacrifiées à des idoles, Dieu n'a jamais interdit à des Juifs d'entrer dans la maison d'un Gentil ou de manger avec un Gentil. Ces règles et ces traditions semblent être le résultat de mesures rabbiniques destinées à protéger les Juifs du danger de la contamination rituelle et de l'assimilation.
Une inquiétude certaine existait quant à la possibilité que la nourriture préparée par les Gentils est pu avoir été offerte à une idole. Afin d'éviter cette possibilité, les Juifs traditionalistes ont découragé le partage de repas avec des Gentils, l'entrée dans leurs lieux d'habitation et la consommation de toutes nourritures que ceux-ci auraient pu préparer.
Nous avons vu que la vision de la nappe par Pierre avait pour objectif de mettre un terme à cet interdit. Il ne s'agissait pas d'abolir les règles diététiques bibliques, mais de corriger une mesure de rigueur concernant les Gentils. La vision de Pierre avait comme objectif d'aplanir tout obstacle qui aurait pu empêcher Pierre de voyager jusqu'à Césarée, d'entrer dans la maison de Corneille et d'y partager la Bonne Nouvelle.
Paul nous rapporte, qu'alors qu'il se trouvait à Antioche, Pierre n'était toujours pas complètement convaincu quant à savoir s'il était permis aux Juifs de manger ou non avec des Gentils. Le récit de cette confrontation de Paul avec Pierre nous est raconté en Galates 2:11-14.
« Or, quand Pierre vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il méritait d'être repris. Car, avant que quelques personnes fussent venues de la part de Jacques, il mangeait avec les Gentils; mais dès qu'elles furent arrivées, il s'en retira et s'en sépara, craignant ceux de la circoncision. Et avec lui les autres Juifs dissimulèrent aussi, de sorte que Barnabas même fut entraîné par leur dissimulation. Mais, quand je vis qu'ils ne marchaient pas droit, selon la vérité de l'Évangile, je dis à Pierre, en présence de tous: Si toi qui es Juif, tu vis comme les Gentils, et non comme les Juifs, pourquoi obliges-tu les Gentils à judaïser? » (Galates 2:11-14).
Les coutumes juives auxquels Paul fait référence lorsqu'il parle de vivre « comme les Juifs », sont les traditions rabbiniques interdisant aux Juifs de manger avec des Gentils. Dans le cadre des premières congrégations se réunissant au domicile de certains croyants et rompant de façon régulière le pain ensemble, de tels scrupules auraient signifié une complète séparation des disciples d'origine juive de ceux d'origine païenne. Pierre vivait « comme les Gentils » dans le sens où il se réunissait avec des Gentils et mangeait avec eux consécutivement à la vision de la nappe en Actes 10. Cependant, et sous l'influence de personnes « venues de la part de Jacques », Pierre reconsidéra apparemment sa position.
La question qui est soulevée en Romains 14 est similaire à celle que nous venons d'aborder ci-dessus. Celui qui est faible et qui ne mange que des herbes est très probablement le Juif traditionaliste qui ne mangera pas de viande, ni ne boira de vin (bien que tous deux soient bibliquement acceptable) lorsque ces aliments sont servis à la table d'un Gentil. Celui à la foi forte et qui mange de tout est le Juif qui aura accepté la décision des apôtres déclarant que toute nourriture bibliquement acceptable n'a pas été « souillée » (donc interdite) simplement parce qu'elle fut préparée par des Gentils ou parce qu'elle fut en possession de Gentils.
De nos jours encore, les Juifs orthodoxes traditionalistes considèrent que toute nourriture préparé par un Gentils sans supervision juive est impropre à la consommation, et ceci même si bibliquement cette nourriture est acceptable.
La nourriture rendue impure par des idoles
Il existe réellement une loi biblique qui interdit de consommer de la nourriture qui fut préalablement sacrifiée à une idole. En Exode 34:15 nous lisons : « Garde-toi de traiter alliance avec les habitants du pays, de peur que lorsqu'ils se prostitueront après leurs dieux, et sacrifieront à leurs dieux, quelqu'un ne t'invite, et que tu ne manges de son sacrifice ».
Bien que le contexte de cette loi soit clairement une injonction contre les pratiques idolâtres, pour le judaïsme du premier siècle ce verset était compris comme une interdiction de consommer quoique ce soit, nourriture ou boisson, qui ait été offerte à une idole ou souiller par des idoles. Qu'il soit acceptable ou non de manger de la viande qui aurait été au préalable sacrifié à une idole était une source de division pour les disciples au premier siècle. Paul écrit abondamment sur ce sujet dans ses lettres. La réponse est moins évidente que l'on pourrait le croire. Un examen attentif de la situation telle qu'elle se présentait au premier siècle avec appui de sources juives contemporaines, révèle un problème complexe que le lecteur moderne devine à peine et comprend difficilement. En conséquence de cette complexité, ce problème n'est ni très bien compris, ni souvent discuté. Lorsque nous achetons de la viande dans nos supermarchés modernes, nous ne nous posons jamais la question de savoir si la viande en question a été ou non sacrifié à une idole. Cependant du temps des apôtres, il s'agit d'un problème bien réel. La viande que l'on pouvait acheter à Corinthe, à Éphèse ou dans autre ville de résidence de la Diaspora était très probablement constitué des morceaux de premiers choix d'animaux sacrifiés aux idoles le matin même, ou encore des restes d'un rituel festif idolâtre qui avait eu lieu la nuit précédente. La première goutte de toute cuve de vin fait par un viticulteur païen était très certainement consacrée au dieu grec du vin. Selon les standards juifs conventionnel, cette première libation rendait le reste de la cuve impropre à la consommation puisqu’offerte à une idole.
Presque tous les débats ou toutes les questions suscités en lien avec la nourriture mangée et la boisson bue par des Gentils résulte de ce souci de se préserver de quoique ce soit qui est pu être sacrifié à des idoles. Puisque ce contexte n'est plus le nôtre aujourd'hui, il est compréhensible que le lecteur moderne interprète ces passages de manière erronée et croit comprendre qu’il s’agit d’un débat concernant les règles diététiques bibliques du pur et de l'impur.
Le judaïsme du premier siècle se préoccupait grandement de la question des nourritures sacrifiées aux idoles. Se nourrir d'aliments ou boire des boissons ayant été offertes à des dieux païens était formellement interdit. Même parmi les croyants cette pratique ne fut jamais considérée comme acceptable. Actes 15:20 conseille aux disciples d’origine païenne de s'abstenir des souillures des idoles. En Apocalypse, Jésus reprend deux congrégations pour compromettre la vérité et manger « des choses sacrifiés aux idoles ».
La différence entre commun et impur
Selon les standards juifs, toute nourriture consacrée à une idole ou faisant partie d'un rituel festif idolâtre était considérée comme « commune ». Le mot grec en est koinos, qui signifie commun, vulgaire ou profane. Cela n'a pas le même sens que de déclarer quelque chose de rituellement impur d'un point de vue biblique. Le mot grec définissant une nourriture comme rituellement et bibliquement impur est akathartos. Il est important de bien comprendre la différence et de savoir distinguer entre ces deux termes grecs.
KOINOS: Commun. Lorsque ce terme est utilisé en lien à la loi diététique juive traditionnelle, cela fait référence à des aliments qui seraient purs si l'être humain ou la tradition ne les avaient rendus impropres à la consommation.
AKATHARTOS: Impur. Lorsque ce terme est utilisé en lien à la loi diététique juive traditionnelle, cela fait référence aux aliments qui sont considérés comme impurs et sont interdits à la consommation par la Bible.
Le mot koinos (commun) ne fait pas référence à l'impureté telle qu'elle est définie dans la Torah. Le mot koinos est réservé à ce qui fut rendu impropre, que ce soit au contact de l'idolâtrie ou des Gentils. Ainsi, en grec’ la viande de porc serait considéré akathartos. Le vin dédié par des libations à une idole serait considéré koinos.
Aliments sacrifiés aux idoles
Les premiers croyants s'inquiétaient des aliments qui auraient pu être rendus koinos. Bien que certains parmi les croyants corinthiens ait pu penser que les viandes sacrifiés aux idoles pouvait leur être permises, Paul les met en garde contre le fait de manger en connaissance de cause de ces viandes sacrifiées aux idoles. Il les avertit que cela pourrait être une pierre d'achoppement pour des croyants plus faibles spirituellement. Il les met en garde et leur conseille de fuir l'idolâtrie (1 Corinthiens 10:14) et de refuser de se nourrir de tous aliments dont ils savent avec certitude qu'ils ont été offerts à des idoles.
D'un autre côté, Paul admet que l'on ne devrait pas être concerné à l'extrême et vouloir déterminer en permanence si la nourriture que l'on retrouve au marché a été sacrifié ou non à des idoles. Il écrit: « Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir de rien, à cause de la conscience; Car: La terre est au Seigneur, et tout ce qu'elle contient » (1 Corinthiens 10:25-26 citant Psaume 24:1). Ce que veut dire Paul, c'est que lorsqu'il mange il est essentiellement concerné par l'Éternel et non pas par les idoles. « Et si je mange avec actions de grâces, pourquoi serais-je blâmé pour une chose dont je rends grâces. Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10:30-31). En d'autres mots, tant qu'il ne sait pas si ce fut sacrifié à une idole, il assume que ce n'est pas le cas. Au lieu de cela, il mange étant essentiellement concerné par l'Éternel. Il s'agit d'un principe similaire au principe du « Ne demandez pas, n'en parlez pas », une attitude bien différente de la rigidité que l'on retrouve en la matière dans le judaïsme traditionnel.
Paul ne va cependant pas jusqu'à autoriser l'ingestion volontaire de viandes sacrifiés aux idoles. Il déconseille aux Corinthiens de manger avec un idolâtre, de la même façon qu'il déconseille aux Éphésiens de prendre part à des pratiques idolâtres. Il rappelle aux Corinthiens que la table des idoles est aussi la table des démons.
« Non; mais que ce que les Gentils sacrifient, ils le sacrifient à des démons, et non à Dieu. Or, je ne veux pas que vous ayez communion avec les démons. Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la coupe des démons; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur, et à la table des démons » (1 Corinthiens 10:20-21).
En définitif, l'attitude de Paul vis-à-vis des viandes sacrifiés aux idoles est une attitude de prudence. Il interdit aux croyants de manger intentionnellement des viandes sacrifiés aux idoles, mais il leur conseille de s'abstenir d'être suspicieux à l'extrême, ce qui pourrait les empêcher d'acheter des viandes au marché ou de manger à la table d'incroyants. Il nous rappelle: « un aliment ne nous rend pas agréables à Dieu; car si nous mangeons, nous n'avons rien de plus; et si nous ne mangeons pas, nous n'avons rien de moins » (1 Corinthiens 8:8).
Il n'y a rien de souillé en soi?
Paul n’est pas doctrinalement rigide concernant les aliments qui n'auraient que potentiellement été offerts à des idoles. Les éléments les plus conservateurs de la congrégation à Rome considéraient certainement les aliments préparés par les Gentils comme étant koinos (commun) car ces aliments avaient pu potentiellement être souillés par l'idolâtrie. Plutôt que de manger des viandes ou de boire du vin qui aurait pu avoir été associé à des pratiques idolâtres et ainsi rendu koinos, ces conservateurs avaient choisis de s'abstenir de viandes et de vin et de ne manger que des herbes comme le fit Daniel à Babylone. Paul considère que ceci est sujet à débat et laisse chacun en conscience prendre sa propre décision.
« L'un croit pouvoir manger de tout; et celui qui est faible, ne mange que des herbes. Que celui qui mange de tout, ne méprise pas celui qui ne mange pas de tout; et que celui qui ne mange pas de tout, ne condamne pas celui qui mange de tout; car Dieu l'a reçu. Qui es-tu, toi qui condamnes le serviteur d'autrui? S'il se tient ferme, ou s'il tombe, c'est à son maître de le juger; mais il sera affermi, car Dieu est puissant pour l'affermir » (Romains 14:2-4).
Bien qu'il conseille la tolérance à l'égard de ceux qui insistent à regarder ces viandes et ces boissons comme potentiellement souillées par des idoles et ainsi koinos, il est lui même convaincu que nul aliment n'est koinos. C'est bien ce qu'il dit en Romains 14:14.
« Je sais, et je suis persuadé par le Seigneur Jésus, qu'il n'y a rien de souillé [koinos] en soi; néanmoins celui qui croit qu'une chose est souillée [koinos], elle est souillée [koinos] pour lui » (Romains 14:14).
Malheureusement, ce passage est presque universellement appliqué et de manière incorrect aux règles concernant les animaux purs et impurs, comme si Paul avait écrit : « il n'y a rien de souillé [akathartos] en soi ». Ce qui n'est pas le cas. Il n'a pas utilisé l'équivalent grec pour impur, mais il a choisi d’utiliser l'équivalent grec pour « commun ». Il y a une différence énorme entre ces deux termes. Sa déclaration selon laquelle « il n'y a rien de souillé en soi » n'a aucun rapport avec les règles alimentaires sur les animaux purs et impurs. Il y est bien plutôt question de déterminer s’il est acceptable ou non de manger un aliment qui aurait potentiellement pu avoir été offert à une idole.
Comme il le fit pour Corinthe, il met en garde ses lecteurs de ne pas laisser une interprétation plus libérale concernant le sujet des nourritures potentiellement sacrifié à des idoles être une pierre d'achoppement pour d'autres.
« Ne détruis point l'œuvre de Dieu pour un aliment. Il est vrai que toutes choses sont pures, mais il y a du péché pour celui qui donne du scandale en mangeant. Il est convenable de ne point manger de chair, de ne point boire de vin, et de s'abstenir de tout ce qui peut faire broncher ton frère, ou le scandaliser, ou l'affaiblir » (Romains 14:20-21).
Notez bien que dans ce passage il mentionne le vin comme étant un aliment sujet à caution. Les règles diététiques bibliques ne parlent jamais de vin qui serait impur. Le vin est un problème koinos, non pas de pur et d'impur. Paul parle assurément du problème des aliments qui auraient été rendus koinos par le contact avec des Gentils ou avec des pratiques idolâtres. Malheureusement, quand des passages comme Romains 14 et 1 Corinthiens chapitre 8 à 10 sont lus hors leur contexte, c’est-à-dire celui du judaïsme du premier siècle, ils sont alors incompris et nombreux sont ceux qui croient y lire que la consommation d'aliments interdits par la Torah est désormais autorisée. Une fois encore, dans les écrits apostoliques, ce sont les traditions humaines et non pas les commandements de Dieu qui se trouvent remis en question.
Traduit d'après "HOLY COW!" par Hope Egan.